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Expérience : Budget participatif.

Tour d’horizon en Région bruxelloise

Expérience | Appels à projets et budgets participatifs

12 min

Contexte

Dans la région de Bruxelles Capitale, les budgets participatifs sont avant tout présents au niveau de la commune et du quartier. Des budgets participatifs sont organisés par les communes sur tout leur territoire ou via des conseils de quartier. Ils peuvent aussi être organisés avec les communes via des initiatives régionales comme les Contrats de Quartier Durable qui comprennent une part de budgétisation participative. 

 

Terminologie : concours, appel, enveloppe, budget ?

L’association Periferia interroge dans le contexte belge : « Budget participatif ou enveloppe de quartier ? Le terme « budget participatif » est devenu très à la mode et nombreux sont les pouvoirs publics ou institutions qui l’utilisent pour faire référence à un montant destiné à soutenir des initiatives d’habitants. 

Il s’agit pourtant de deux démarches différentes : le budget participatif correspond à une part des ressources publiques mises en débat et décidées avec la population, alors que les subsides citoyennes, associatifs … concernent des montants limités qui permettent de financer des projets , avec une part plus ou moins importante qui est laissée au demandeur en termes de décision. 

Une distinction fondamentale est que l’enveloppe se traduit souvent par un appel à idées ou projets, qui sont ensuite classés par ordre de préférence et financés jusqu’à ce que le montant disponible ait été consommé. Le budget participatif cherche, quant à lui, à définir des priorités qui orienteront les débats et décisions, menés par l’ensemble des acteurs publics et privés, autour de la manière de répartir le budget. » lien vers site web

Comme évoqué dans l’introduction générale, une telle remarque est historiquement pertinente. Sans doute faut-il admettre que les budgets participatifs, en se diffusant et en étant repris dans d’autres contextes, ont changé de substance et de logique (voir : Montambeault, Françoise, 2019 « It was Once a Radical Proposal …’ The Policy Drift of Participatory Budgeting in Brazil », Latin American Politics and Society  61 (1): 29-53).

Lors de la genèse des budgets participatifs en Amérique du Sud, ceux-ci visaient à combiner mise en débat des orientations budgétaires et objectif de justice sociale. Si on exige de tels critères dans la définition d’un budget participatif, alors l’ensemble des « budgets participatifs » mis en place en Europe de l’Ouest, depuis les années 1990, ou via des plateformes en ligne qui à partir des années 2010 n’en sont pas pleinement. En effet, ils se présentent comme des appels à projets organisés sous forme de concours avec une phase de sélection puis de vote ouvert. Ces plateformes de budget participatif n’instituent pas des assemblées citoyennes en responsabilité dans l’élaboration du budget et la production de critères d’allocation et de redistribution des ressources du service public local. Elles constituent plutôt une ouverture dans la distribution de subventions à des projets d’intérêts locaux.  

Mais, sauf à ne plus s’autoriser à parler de « budget participatif », nous notons la différence sans exclure les initiatives existantes qui donnent une définition plus large au budget participatif. Parmi les différences importantes, il faut noter que dans le cas d’un budget participatif, il existe un cycle annuel qui s’articule autour d’étapes successives : 

  • consultation (recueil des besoins et des idées),  
  • délibération (mise en discussion des projets)  
  • votation (ouverte à toute la population),  
  • mise en œuvre par la commune 
  • suivi des réalisations 

Une forte limite concrète des expériences existantes de budget participatif est d’être uniquement centrées sur des dépenses d’investissement et, le plus souvent, d’exclure les dépenses de fonctionnement, ce qui contraint fortement le champ des possibles : par exemple, un projet doit se réaliser sans augmenter le coût d’entretien ou la masse salariale pour l’administration communale. 

Quelles initiatives existantes en région bruxelloise ?

On pourra retenir comme « budget participatif communal » : les initiatives organisées par la commune (avec ou sans découpage par quartiers), avec une phase ouverte d’appels à idée, avant une phase de sélection technique et, enfin, un vote final ouvert à toute la population en physique ou en ligne. En région bruxelloise, on trouve notamment ces communes qui mettent en œuvre un budget participatif qui suit ces quatre critères: 

Commune 

Année de lancement 

Budget 

Rythme 

Modalités particulières 

Lien vers la fiche dans inventaire 

Auderghem 

2021 

500.000 euros 

14.5/hab 

Organisé tous les deux ans 

Une assemblée des habitants (100 citoyens tiré au sort) choisit les thématiques du BP, basé sur un diagnostic par quartier, réalisé par 10 Assemblées de Quartier. 

La commune utilise le terme « budget partagé » dans sa communication. 

 

Bruxelles 

2020: Neder-Overheembeek 

 

2022: Europese Wijk 

 

2022: Haren 

 

2024: Laeken 

 

1.000.000 euros 

 

700.000 euros 

 

400.000 euros 

 

1.500.000 euros 

Organisé tous les deux ans, par quartier 

Le budget participatif ne concerne pas toute la commune mais est organisé par quartier. 

Une distinction est faite entre projets mis en œuvre par les porteurs de projets et ceux mise en œuvre par les services communaux 

Les conseils de quartiers définissent les thématiques du BP sur base d’un diagnostic. Ils vérifient également si les projets soumis correspondent aux besoins du quartier (filtre citoyen). Après délibération, ils donnent un avis au Collège par rapport à la pertinence des projets. 

 

Ixelles 

2021 

100.000 euros 

1.14/hab 

Organisé annuellement 

Une distinction est faite entre projets mis en œuvre par les porteurs de projets et ceux mise en œuvre par les services communaux 

 

Les projets ayant obtenu le plus de vote sont soumis à un jury, composé de 9 habitants tirés au sort et 6 experts du monde associatif, universitaire ou d’entreprises travaillant à Ixelles 

 

Uccle 

2020 

150.000 euros 

1.79/hab 

Organisé tous les deux ans 

La plateforme en ligne propose de comparer une idée proposée avec d’autres idées et permet d’envoyer une proposition de rapprochement de deux idées.  

 

Watermael- Boitsfort 

2020 

110.000 euros 

4.34/hab 

Organisé annuellement 

Une distinction est faite entre projets mis en œuvre par les porteurs de projets et ceux mise en œuvre par les services communaux 

 

Un kit de communication est mis à disposition des porteurs de projets pour la campagne de vote 

 

Les personnes à partir de 12 ans peuvent voter 

 

Woluwe Saint-Lambert 

2020 

200.000 euros 

3.47/hab 

Organisé annuellement 

Le Conseil de la Vie Associative est le jury de sélection des projets. Il détermine les projets qui sont soumis au vote des habitants. 

 

Ces exemples illustrent la diversité des budgets participatifs en région bruxelloise, qui se distinguent par leur montant, leur mode de fonctionnement, leur thématique et leur public cible. Ils présentent des avantages communs, tels que le renforcement du lien social, l'amélioration du cadre de vie, la valorisation des initiatives locales et la responsabilisation des citoyens. Ils rencontrent aussi des limites similaires, telles que le risque d'exclusion des personnes les plus éloignées de la participation, la difficulté d'évaluer l'impact réel des projets, la nécessité d'une coordination entre les différents acteurs et le manque de visibilité et de communication. Certaines initiatives se déroulent à l’échelle d’un quartier, comme la ville de Bruxelles, alors que les budgets participatifs sont habituellement considérés à l’échelle d’une commune (cf texte introductif), d’autres enfin sont organisés tous les deux ans, alors que le budget participatif a souvent  un cycle annuel, comme le budget de la collectivité dont il dépend. Ces variations de portée et de durée, en plus du nombre variable d’habitants concernés, rendent la comparaison entre les montants très conjoncturelle.   

D’autres communes enfin ont formellement un budget participatif mais elles ne proposent pas de vote de la population, car la sélection des projets est confiée à un conseil de quartier. C’est notamment le cas à Etterbeek qui compte deux conseils de quartiers, qui gèrent chacun une enveloppe annuelle de 40.000 euros (lien vers fiche inventaire). Comme l’observe la chargée de mission, cette forme de budget participatif peut aussi avoir un intérêt en termes de délibération collective autour des projets, même si elle s’écarte d’un vote ouvert à la population. 

« Le budget participatif s’intègre bien dans le conseil de quartier, dans beaucoup de communes le budget participatif c’est un appel à projets, c’est comme « inspirons le quartier », là c’est le conseil de quartier qui fait… les gens sont soutenus et viennent en séance, ils n’ont pas besoin de s’engager tout le long comme porteurs de projets.  Je fais la remarque que ça implique plus de discussions collectives, que c’est plus un budget comme une enveloppe, directement géré par le conseil de quartier, plutôt qu’un « budget participatif » qu’on comprend souvent comme une plateforme en ligne d’appel à projets » (Entretien avec la chargée de mission participation citoyenne de la commune d'Etterbeek, mars 2023) 

Il existe également des communes où le flou entre budget participatif et subsides à des collectifs citoyens est résolu en cumulant les deux dispositifs. C’est le cas notamment à Uccle, où un comité de représentants de chaque groupe politique au conseil communal peut sélectionner des projets proposés : « il y a aussi le système : « coup de pouce » avec deux appels par an. Contrairement au BP, c’est un subside qui est donné à un collectif de citoyens, souvent des riverains qui ont un projet, entre 300 et 3000 euros. Ce n’est pas les mêmes montants que le BP. Coup de pouce c’est beaucoup de potagers collectifs ou de fêtes de quartier. […] La différence c’est que les subsides, c’est les citoyens qui font leur projet… Le budget participatif c’est que du budget extraordinaire de la commune, c’est des plus gros montants et c’est la commune qui réalise les projets » (Entretien avec la chargée de mission participation citoyenne de la commune, avril 2023) 

Enfin, il se trouve des exemples de dispositifs qui cochent beaucoup des critères d’un budget participatif, sans revendiquer ce terme. C’est par exemple le cas du projet « Megafon » porté la commune d’Anderlecht et sa Maison de la participation, au sein duquel on trouve des mécanismes de budget participatif. Le projet divise la commune en sept zones, avec pour chacune une enveloppe de 75 000 euros. Le projet englobe une enquête en ligne sur la satisfaction et les priorités pour le quartier, une rencontre avec le Collège sur les résultats de l’enquête et les projets en cours, la mise en place d’une assemblée citoyenne qui développera les projets collectifs sur base des priorités indiquées, un vote sur ces projets qui seront mise en œuvre par les services de la commune. Le projet présente l’originalité de tirer au sort un panel de 30 citoyens pour diversifier la mobilisation à cette étape.  

Le Budget Partagé d'Auderghem est ce qu'on appelle un "budget participatif". Un terme générique derrière lequel se cachent des dispositifs parfois très différents. 

Le texte suivant est repris depuis le site de la commune.

"La plupart des budgets qui se disent "participatifs" le sont assez peu et relèvent plutôt de la subsidiation", explique [l'agent communale en charge de la participation citoyenne]. "En effet, il est rare que les citoyens aient la maîtrise totale des opérations : souvent, le pouvoir politique garde le pouvoir de décision final. Et les projets qui sont sélectionnés reçoivent un financement pour être réalisés par le porteur de projet lui-même, souvent une association". 

Le Budget Partagé d'Auderghem, lui, s'inspire directement de ce qui se fait dans des grandes villes pionnières, comme Paris et Madrid. "À Auderghem, les habitants interviennent directement sur le budget communal. Ils décident de tout, de A à jusqu'à Z : ce sont eux qui proposent les projets, eux qui votent et eux qui décident de l'affectation des montants. Ils jouent donc un rôle éminemment politique sans la moindre intervention... du politique !" 

Le Budget Partagé d'Auderghem présente par ailleurs deux caractéristiques uniques en Europe : ce sont les citoyens eux-mêmes qui en fixent les règles, via l'Assemblée des Habitants, et surtout, il est ouvert à tous les habitants dès l'âge de 10 ans. "Nous avons voulu en faire un véritable outil de pédagogie démocratique et manifestement, ça prend". Les deux plus jeunes porteuses de projets ont d'ailleurs... 10 ans ! 

Enfin, des mécanismes de budgétisation participative sont rendus obligatoires dans le cadre de programmes urbains comme les Conseils de Quartier Durable (CQD) ou les Contrat d’axe et contrat d’îlot (CACI). 

« C’est une nouveauté dans la commune [à Molenbeek], il y a une partie du budget dans les CACI, qui [...] obligatoirement [dédié à] participatif, [...] c’est nouveau pour nous, on n’a jamais eu une partie du budget sans contrôle ou intervention du collège. C’est pas rien, c’est 5 à 15% du budget dans les CACI je crois » (Réunion de coordination de la cellule socio-économique, mai 2023) 

« [Sur la commune de Forest] La Rénovation urbaine a lancé un appel à projet initiatives citoyennes dans le CQD et le montant total c'était 50 000 en tout. Ils ont subsidié 10-12 projets citoyens, et là ce n'est pas un budget participatif, ce n'est pas le même principe, mais ça donne l'opportunité aux citoyens montant un projet de le suivre. » (Entretien avec la chargée de mission rénovation urbaine de la commune, mars 2023) 

 

Il est donc clair que les informations liées aux budgets participatifs doivent être lues avec nuance, et ce encore davantage en y incluant appels à projets et subsides citoyens. Derrière une même appellation, le dispositif de budget participatif est sujet à des variations, dépendant d’habitudes locales ou de choix de communication.  

 

 

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