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Fiche méthode : mini-public délibératif, assemblée citoyenne

Fiche méthode | Délibération et mini-publics délibératifs

20 min

Niveau de participation
Co-construction | Co-décision


Action de participation
Construire un avis collectif | Exprimer une opinion


Méthodes de participation
Panel citoyen et assemblée citoyenne


Objectifs

Les participants délibèrent à partir des informations reçues, de leurs expériences et des échanges entre eux.

Les mini-publics délibératifs se distinguent des autres méthodes participatives par l'importance qu'ils accordent au processus de délibération et de composition du groupe.

Dans un mini-public délibératif (panel, assemblée, jury citoyen...) les participants formulent une déclaration commune ou un ensemble de recommandations après avoir reçu des informations pluralistes et avoir eu une discussion ouverte et raisonnée sur une question donnée.

Bien que les mini-publics délibératifs soient conçus pour promouvoir l'inclusion dans la délibération via le recours au tirage au sort et à un cadre d'animation adapté, les inégalités sociales conservent une influence sur le processus de sélection et sur la dynamique de groupe. En effet, les personnes invitées ne sont pas tenues d'accepter les invitations. On constate alors que les personnes éduquées, intéressées par la politique et actives ont tendance à être surreprésentées parmi les participants. Ces tendances peuvent toutefois être atténuées par des procédures de recrutement ciblée et des pratiques de facilitation (Focus : Inclusion).

Avant

 

Définir le design et le mandat

La conception du mini-public délibératif doit être clairement définie par les responsables politiques et l’administration dès le départ. La portée du processus doit être réalisable, compte tenu des ressources disponibles. Le mandat du mini-public délibératif doit être clairement défini dès le départ, y compris un calendrier précis, les rôles et les responsabilités, les ressources nécessaires, les méthodes de recrutement et le processus de prise de décision institutionnelle dans lesquels les citoyens doivent être impliqués. Il faut déterminer dès le début la marge de manœuvre accordée (mandat confié, pouvoir de décision, suivi de mise en œuvre)  aux citoyens et citoyennes prenant part au mini-public délibératif.

Décider du sujet et de la manière dont l'ordre du jour sera établi

Le choix du bon sujet ou de la bonne question politique est crucial dans les mini-publics délibératifs : il doit s’agir d'une « question épineuse » pertinente pour les citoyens et les parties prenantes, impliquant des choix normatifs.

Allouer des ressources suffisantes 

Des ressources, du temps et un budget suffisant doivent être investis, en particulier pour garantir un recrutement diversifié et inclusif de la population, ainsi qu’un suivi efficace et une évaluation indépendante. Il faut également anticiper la communication et l’information autour de la démarche, afin de lier délibération citoyenne et débat public.

Le budget d’un mini-public délibératif diffère d’un projet à l’autre. En effet, plusieurs facteurs entrent en jeu lors de l’estimation, le plus important étant le nombre de jours que dure le processus et le nombre de citoyens impliqués. Dans certains cas, il existe des capacités en interne qui vont couvrir une certaine partie des fournitures et services utiles au mini-public, mais dans d'autres cas, ceux-ci devront être inclus dans le recours à des prestations extérieures, ce qui augmentera le budget nécessaire.  

Quelques éléments typiques d’un budget d’un mini-public délibératif

Le premier coût à prendre en compte est celui de la sélection des membres de l’assemblée  (coût en temps + envoi de lettres et suivi auprès des citoyens répondants). Le recours à un opérateur économique pour différentes prestations peut représenter un coût important d’au moins plusieurs milliers d’euros.

Par exemple, dans le cadre d’un recrutement, il faut prévoir les ressources adéquates pour des mesures d’inclusion. Si beaucoup d’habitants ne parlent pas la langue officielle par exemple, une traduction de la lettre d’invitation peut être nécessaire. Si l’on veut que les citoyens issus de tous milieux participent réellement au processus, cela implique des coûts de personnel pour atteindre des membres de groupes variés, même les plus marginalisés, mais aussi des coûts pour les soutenir et les accompagner tout au long du processus.

Dans beaucoup de processus, il est aussi possible de donner une indemnisation aux citoyens et de leur rembourser les frais engagés pour venir à l'assemblée. D’autres fois, des aides sont mises en place, comme par exemple une crèche pour les jeunes enfants.

Un autre coût majeur est lié au besoin de personnes en charge de la facilitation, dont le nombre et les besoins de formation peuvent varier selon la durée et l’ampleur du processus.

Parmi les coûts internes, il faut prévoir que le personnel devra assister aux séances, et si la plupart de celles-ci ont lieu le soir ou le week-end, cela va entraîner des heures supplémentaires à compenser.

Enfin, il faut aussi anticiper au-delà du moment de la délibération, avec des coûts liés au suivi du processus dans les institutions et avec les citoyens afin de suivre la transmission des recommandations. 

Définir la place des résultats dans le processus d’élaboration des politiques

Réfléchissez dès le départ aux objectifs attendus et aux résultats souhaités du processus, ainsi qu’à la manière dont ces résultats seront intégrés dans le processus d'élaboration des politiques. Le calendrier du mini-public délibératif doit être aligné sur le cycle politique concerné et les responsabilités et les délais de suivi doivent être établis avant le début du processus.

Il faudra aussi définir si les résultats de la participation seront discutés par des politiciens, suivis d’une réponse écrite pour l'acceptation, le rejet ou la modification des recommandations. Ou préciser si les recommandations qui dépassent un certain seuil de soutien de la part des membres du mini-public délibératif se voient attribuer un statut prédéfini (p.ex. si une recommandation obtient 80 % des votes citoyens l’organe politique concerné peut s’obliger de l’adapter automatiquement).

Mettre en place une structure de gouvernance

Lors de la mise en place du mini-public, il convient d'établir une structure de gouvernance qui prévoit une répartition claire des tâches, des règles et des responsabilités. Si l’autorité qui commandite le mini-public peut accomplir un grand nombre de tâches au cours du processus, il convient également d’assurer un contrôle indépendant, sans lien de dépendance avec cette autorité. Outre la mission de définir les règles internes du mini-public délibératif, les membres de la structure de gouvernance choisissent également les experts qui seront auditionnés par les citoyens ou le type d'informations qui seront données aux citoyens.

Différentes personnalités peuvent être représentées dans cette structure, comme des juges à la retraite, des personnalités de la société civile, des universitaires et même des citoyens membre du mini-public.

Impliquer et préparer l'administration

Les mini-publics délibératifs doivent être effectivement intégrés dans les structures politiques et administratives générales. Cette intégration nécessite un investissement administratif, qui peut impliquer une formation aux techniques de délibération, une conception concertée des processus et la prise en compte des ressources nécessaires et des canaux de communication entre les différents services administratifs.

Assurer une représentation inclusive et équitable

Pour atteindre le public le plus large et le plus diversifié possible, il convient d’accorder la priorité à des stratégies de recrutement et de sensibilisation larges et diversifiées. Pour les mini-publics délibératifs, le processus de recrutement est effectué par un tirage au sort. En outre, la participation doit être encouragée par la rémunération, le remboursement des frais et la mise à disposition ou la prise en charge de services de garde d’enfants et de personnes dépendantes, ainsi que d'installations pour personnes en situation d’handicap.

Donner les moyens pour permettre un jugement éclairé et réfléchi

Tout processus de participation publique doit fournir aux citoyens des informations transparentes, diverses et équilibrées sur la question débattue. Pour les mini-publics délibératifs, il s'est avéré utile de fournir un kit d'information avant le début du processus. C’est un outil essentiel pour s'assurer que les participants sont bien informés et préparés au processus de délibération. 

Un kit d'information, avec quoi ?

Il contient des documents de synthèse sur les questions ou les sujets qui seront abordés au cours de l'assemblée. Il peut s'agir de rapports, de résultats de recherche, de notes d'orientation ou d'autres documents pertinents destinés à fournir aux participants un contexte et des informations essentielles. Il contient souvent aussi des conseils sur la manière dont l'assemblée sera animée et des informations logistiques.

Pendant

 

Assurer une animation et un travail constructif en petits groupes

L’animation et la facilitation du travail en plénière et en petits groupes est crucial pour la réussite de la délibération. La facilitation est un processus qui permet à des groupes de travailler ensemble de manière coopérative et efficace et qui met l'accent sur l'implication de tous les participants de manière égalitaire et équilibrée. Ainsi, la facilitation peut aider à mieux visualiser et mettre à profit les connaissances et les idées qu'ils ont collectivement. Elle agit en outre en qualité de tiers de confiance et veille à ce que le débat ne soit pas biaisé en faveur d’une partie ou d’un groupe. De manière générale, la facilitation doit être consciente des différences de pouvoir au sein d'un groupe et s'efforcer de les atténuer. Enfin, dans la plupart des cas, les participants signent une charte de délibération qui les engage à respecter les personnes et le cadre institutionnel ainsi que les opinions et les interventions des autres participants. Les règles délibératives, présentées le premier jour du dispositif, expliquent l'importance centrale de l'écoute, de la bienveillance et de la répartition égale de la parole lors des débats.

Donner aux participants la possibilité d’entendre et de questionner des experts et si possible de proposer des experts supplémentaires

En début de délibération, il est important que les participants en apprennent davantage sur le sujet en question. Cette phase d'apprentissage d'une assemblée citoyenne devrait être un processus actif. Les participants devraient être encouragés à réfléchir de manière critique aux informations qu'ils entendent et avoir la possibilité de poser des questions ou même de remettre en question la parole des experts. La phase d'apprentissage devrait être un moment constructif de découverte en groupe, basé sur ce que les participants pensent devoir apprendre pour pouvoir traiter le sujet de manière adéquate et faire des recommandations pertinentes.

Si le temps et l'organisation le permettent, les participants devraient pouvoir contribuer au processus de sélection des experts en collaboration avec le comité de pilotage.

Utiliser différents styles d'apprentissage et méthodes de visualisation

Bien que les présentations de personnes ressources soient la méthode la plus courante pour transmettre des contenus d'apprentissage lors des mini-publics délibératifs, il est préférable d’utiliser différents formats afin de répondre aux différentes manières d'apprendre.

Par exemple, dans certains mini-publics, les participants ont été sensibilisés au thème de la discussion par des promenades ou des visites accompagnées de parties prenantes ou d'experts afin d'observer les lieux et thématiques dont ils discutaient.Dans d’autres contextes, des vidéos de personnes concernées ou des scénarios narratifs ont été utilisés pour aider les participants à visualiser les effets concrets de leurs délibérations et à traiter également des implications émotionnelles et pas uniquement rationnelles d’un sujet.

Prévoir suffisamment de temps pour examiner les informations et élaborer un jugement éclairé

Le groupe doit avoir suffisamment de temps pour mener une délibération pondérée et prendre en compte, dans la mesure du possible, tous les points de vue importants sur le sujet. Il doit pouvoir se mettre d'accord sur les différents (sous-)thèmes, idées et recommandations avant de passer au vote. Il faut également prévoir suffisamment de temps pour déterminer s'il y a une minorité qui n'est pas d'accord avec une partie des recommandations (souvent nommé rapport de minorité).

Savoir passer du débat aux propositions

Le temps de clôture d’un mini-public délibératif est un moment fondamental, qui permet de partager le consensus auquel le groupe a pu arriver. Il n’est parfois pas aisé de passer d’une logique délibérative à une logique agrégative. Pourtant, dans de nombreux mini-publics tels qu’ils sont aujourd’hui organisés, il est fréquent de recourir au vote à la majorité simple ou qualifiée pour mesurer le degré d’accord sur les propositions.

Impliquer les parties prenantes et le grand public dans le processus

Les parties prenantes et les personnes ayant une expérience vécue de la question discutée devraient pouvoir intervenir dans le processus de délibération, au même titre que les personnes disposant d'une expertise plus académique ou technique. Il est important que les organisateurs cherchent activement à impliquer les parties prenantes ainsi que le grand public dans le processus délibératif, car cela permet non seulement d'améliorer la délibération en soit, mais aussi d'accroître la légitimité du processus et, par conséquent, d'influencer positivement la prise en compte des résultats du processus. Cela peut se faire, par exemple, en créant une plateforme sur laquelle les citoyens et les parties prenantes qui n'ont pas été invités à participer peuvent donner leur avis sur le sujet, proposer des experts ou des sous-thèmes à discuter.

Veiller à la protection de la vie privée des participants

Les avantages de la transparence doivent être mis en balance avec le besoin de confidentialité et la protection de la vie privée des participants. La pratique générale veut que les présentations des experts soient diffusées et retransmises en direct, mais que les discussions des membres de l'assemblée restent confidentielles. En outre, il convient de toujours rappeler aux participants qu'ils peuvent n'indiquer que leur prénom et non leur nom de famille (par exemple lors de sessions en ligne ou d'échanges avec des journalistes).

Communiquer sur le processus afin d'en accroître la légitimité perçue du processus

Il est important que le fonctionnement du mini-public soit clairement communiqué tout au long du processus, et ce bien à l'avance, afin que le grand public soit au courant du processus et comprenne son but et son impact prévu. Pendant le processus, il est important que le public soit informé du calendrier, des vidéos d'experts et du travail en cours.

Après

 

Communiquer sur les résultats

Tous les citoyens doivent pouvoir accéder au rapport sur le processus. Le site web du processus de participation publique peut être utilisé pour rendre compte des résultats de la participation et en assurer le suivi, en indiquant leur stade de traitement et en décrivant les mesures de suivi prises.

Permettre un suivi efficace

Répondre aux recommandations : Une justification claire et écrite doit être donnée pour chaque recommandation citoyenne. Six à douze mois après la publication du rapport, un autre week-end de réunion devrait être organisé afin que l’assemblée puisse examiner les actions du gouvernement. Il est possible d'impliquer formellement les citoyens dans la phase de suivi par le biais d’un comité de suivi composé de participants de l'assemblée tirés au sort.

Prévoir des rencontresIdéalement, quelques rencontres entre l'autorité publique et les participants aux processus délibératifs doivent être planifiées pour la période suivant la réception des recommandations. Ces moments de contact servent à communiquer et à impliquer les citoyens et les différentes parties prenantes au sujet de la réponse et du suivi prévu par les décideurs politiques. Ils font ainsi partie de l'étape suivante de l'élaboration des politiques, ce qui renforce la légitimité du processus délibératif. Dans certains processus, les recommandations ne sont pas seulement présentées à l'autorité qui les a commandées, mais aussi aux parties prenantes concernées et au public. Il est également possible d'impliquer les parties prenantes et les organisations de la société civile concernées afin d'évaluer la réponse de l'autorité responsable.

Tirer les leçons de l'expérience : L'évaluation

La réalisation d'évaluations indépendantes est l’approche la plus crédible pour évaluer un processus. Pour les processus plus petits et plus courts, l’OCDE recommande des auto-rapports par les membres et les organisateurs qui peuvent également améliorer l'expérience d'apprentissage.