Outil | Introduction à la participation

Introduction | Introduction à la participation
Il est courant de faire référence à une « échelle de la participation citoyenne » avec plusieurs niveaux de participation. Ces niveaux correspondent au poids accordé au dispositif participatif dans la décision politique par les autorités qui organisent ces espaces démocratiques. Ils dépendent donc du degré d’influence sur la décision politique et de l’impact que la participation peut avoir sur l’action publique.
Clarifier et communiquer le niveau de participation en amont de toute démarche est un aspect fondamental du contrat de confiance qui lie les différentes parties prenantes. Ces informations permettent aux citoyens et citoyennes de s’engager en connaissance de cause. Elles inspirent un « mandat de participation » qui définit la mission confiée aux personnes participantes, explicitant les enjeux, les attendus et les marges de manœuvre. Cela fait partie du « cadrage » des procédures de participation.
Les niveaux renseignent sur qui a la capacité d’initiative et la légitimité à décider. Dans une démocratie représentative, la décision politique est une prérogative des élus du suffrage universel. La participation citoyenne vient enrichir et compléter ce modèle de décision.
Niveau |
Description |
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Information |
Mettre à disposition des informations mais aussi faciliter leur appropriation pour faire connaître, et expliquer, des politiques publiques ou un projet en particulier |
Consultation |
Recueillir des avis sur un thème ou un projet pour aider à la prise de décision, avec un retour argumenté sur les raisons de la prise en compte ou non de ces avis |
Co-construction |
Impliquer un large éventail d’acteurs et organiser le dialogue entre parties prenantes pour les associer à l’élaboration, ou à la mise en œuvre, d’une politique ou d’un projet |
Co-décision |
Partager le pouvoir de décision dans l’initiative, ou la mise en œuvre, d'un projet entre les autorités publiques et les partenaires, dont les citoyens, citoyennes et associations |
Délégation |
Organiser une co-gestion et confier à des tiers la responsabilité de la mise en œuvre d’un projet |
Interpellation |
Permettre à des citoyens et citoyennes de signaler un besoin, ou d’exprimer un désaccord, par rapport à une décision ou un projet |
Niveau |
Avantages |
Limites |
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Information |
Les citoyens et citoyennes reçoivent des informations sur des projets, ou politiques, en cours. L’information attire l’attention des citoyens et citoyennes sur des sujets ou problèmes. |
Aucun espace pour la participation et l’engagement citoyen
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Consultation |
Un large éventail d'opinions peut être recueilli sur une période courte ou longue.
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Processus de récolte de donnés ou d’opinions individuelles, éventuellement avec des échanges entre citoyens et citoyennes
Peu d’espace pour une interaction avec les autorités publiques |
Co-construction |
Un échange intense est organisé entre les citoyens et citoyennes ainsi qu’avec les représentants des autorités publiques. S’ils sont suffisamment représentatifs, ces dispositifs peuvent débloquer des impasses en parvenant à un jugement raisonné et contribuer à une meilleure acceptation sociale. |
Nécessité de processus, de facilitation et de méthodes solides, sinon risque d'échec important
Coûteux en termes de ressources humaines, financières et de temps
Nécessité de relier le dispositif au processus décisionnel formel pour exercer une réelle influence |
Co-décision |
Un espace est donné à la créativité citoyenne. Les citoyens et citoyennes impliqués peuvent exercer une influence sur la réalisation de projets. |
Montage de projet parfois complexe, avec risque d’effet d’exclusion ou d’élitisme
Espace accordé à la discussion variable |
Délégation |
Les citoyens peuvent eux-mêmes décider des projets et/ou les réaliser, avec un impact positif sur la cohésion sociale. |
Possiblement coûteux en termes de ressources financières et de temps
Espace accordé à l'échange et à la discussion variant d’un dispositif à l’autre |
Interpellation |
L’interpellation met en lumière des éléments et des aspects problématiques des politiques dont les décideurs ne sont pas conscients. Elle peut conduire à des corrections et à des mesures socialement plus adaptées. |
Auto-séléction des citoyens et citoyennes très forte, avec risque de polarisation |
L’échelle proposée ci-dessus par le service de la participation en région bruxelloise est une adaptation et simplification de plusieurs échelles existantes. Voici une courte présentation de ses différentes sources d’inspiration, ainsi qu’un rappel des échelles déjà existantes dans la région de Bruxelles Capitale. Ces différents exemples illustre que ces catégorisations sont des élaborations négociées qui doivent être adaptées aux contextes afin d’être le plus appropriable possible. Nous revenons plus loin sur cet aspect : « Vers une terminologie partagée en Région de Bruxelles Capitale ».
S’il est courant de parler de niveaux et de les assembler pour constituer une échelle. Cette habitude est une référence (implicite ou explicite) à l’article de Sherry R. Arnstein « A Ladder of Citizen Participation », publié en 1969 dans le Journal of the American Institute of Planners.
Cet article a été extrêmement cité et abondamment repris dans les milieux professionnels liés à la participation. L’autrice, consultante sociologue, rappelle dès le début de son texte que cette typologie est « pensée pour être provocatrice » et c’est en cela qu’elle se concentre sur le partage du pouvoir comme élément central de la participation citoyenne.
Cette échelle originale de la participation citoyenne présente huit niveaux. Les premiers niveaux (manipulation, thérapie) relèvent de la non-participation. Le milieu de l’échelle comporte des formes minimales de concession de pouvoir aux citoyens et citoyennes par les décideurs (information, consultation, réassurance), qualifiée de participation alibi (tokenism). Seuls les derniers niveaux (partenariat, délégation et contrôle citoyen) impliquent un partage du pouvoir et donc une réelle participation.
Dans de multiples réutilisations, cette échelle a souvent été remaniée et diminuée pour parler principalement d’information, de consultation et de concertation, omettant donc trop souvent la réalité de la non-paticipation et l’idéal de la délégation de pouvoir.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) parle, en 2002, de citoyens partenaires et distingue seulement trois niveaux : information, consultation et participation.
Cette simplification est utile pour dire que ni la communication, ni la consultation ne sont de la participation, et que celle-ci doit bien être une « relation dans laquelle les citoyens et citoyennes sont véritablement impliqués dans le processus de décision et même dans la gestion de l’organisation ». Elle n’est cependant que moindrement aidante, puisqu’elle agglomère tous les niveaux dans le seul terme « participation » sans vraiment le détailler, et n’adresse donc pas les questions primordiales du partenariat et de l’influence sur la décision.
D’autres réemplois permettent au contraire des réutilisations plus détaillées de l’échelle de la participation citoyenne. L’Association internationale pour la Participation publique (International Association for Public Participation, IAP2) propose un continuum, avec un impact croissant sur la décision : information, consultation, implication, collaboration et émancipation.
Ces niveaux correspondent à différentes promesses faites aux personnes qui participent :
Cette façon de présenter les niveaux comme une interaction entre une autorité organisatrice et un public participant est utile pour expliciter ce que recouvre concètement chaque terme. Ce continuum de la participation publique fait écho à une autre déclinaison, The spectrum of community engagement to ownership, proposée par le Movement Strategy Center [en ligne] qui s’en inspire. Dans cette proposition, l’organisation militante en faveur du community organizing reprend cette idée du « message à la collectivité » qui est envoyé (consciemment ou non) par chaque niveau de participation. Ce message va de « nous vous tiendrons informé » à « votre expertise est primordiale pour gérer ce problème », en passant par « nous nous soucions de ce que vous pensez » et « vous nous aidez à reconsidérer le problème et à agir différemment ». [en ligne, p.2]
En Région de Bruxelles-Capitale, des autorités publiques (administrations communales, régionale et organismes d’intérêt public) proposent diverses façons de classer les démarches de participation. En voici quelques exemples, non exhaustifs.
Plusieurs communes de la Région bruxelloise se sont engagées dans une démarche de transparence pour partager leur façon de concevoir et de cadrer une offre de participation.
Lors du premier Forum bruxellois de la Participation qui s’est tenu chez perspective.brussels en février 2023, l’enjeu d’un vocabulaire commun entre les acteurs et actrices de la participation a été fréquemment rappelé.
Plusieurs questions liées à une échelle de la participation ont également été amenées : « comment ajuster et assumer le niveau de participation, et engager les responsables politiques et les personnes en charge de la mise en œuvre des politiques publiques », « comment choisir le bon niveau et cadrer le processus, trouver le bon moment, le bon sujet » ?
En tenant compte de la littérature et des propositions existantes en Région de Bruxelles-Capitale, participation.brussels suggère ces six niveaux de participation, résumés dans le tableau présenté plus haut :
Les trois premiers niveaux relèvent de la coopération symbolique entre autorités publiques et populations concernées. Les trois derniers impliquent un pouvoir citoyen effectif, soit parce que ce sont des citoyens et citoyennes qui sont à l’initiative du dispositif, soit parce qu’une part de la décision ou de la gestion du projet leur revient en responsabilité.
Ces niveaux de participation peuvent être utilement complétés en renversant la perspective, et en regardant pratiquement et concrètement quel degré d’engagement est proposé aux personnes qui participent.
Cette distinction est reprise dans l’inventaire des initiatives de participation citoyenne en Région bruxelloise, en plus du niveau de participation. On distingue, comme degré d’engagement, la possibilité pour les personnes participantes d’écouter, d’exprimer une opinion, de construire un avis collectif, de prendre des décisions ou de mener des actions.
Cette distinction permet de préciser le niveau de participation en se demandant ce que permet effectivement tel ou tel niveau. Par exemple, l’information descendante ne rend possible que l’action « écouter », la consultation permet « d'exprimer une opinion » mais pas forcément de construire un avis collectif, ce qu'implique clairement la co-construction.
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