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Niveaux de participation

Texte introductif | Cadre général

11 avril 2024 — 12 min

Participation de qui, à quoi ?

Les niveaux de participation correspondent au poids accordé au dispositif participatif dans la décision politique par les représentants des autorités publiques qui organisent ces espaces démocratiques. Les niveaux de participation dépendent donc le plus souvent du degré d’influence sur la décision, de l’impact que la participation peut avoir sur l’action publique et les politiques publiques.

Pourquoi est-ce important ? Clarifier et communiquer le niveau de participation en amont de toutes démarches est un aspect fondamental du contrat de confiance et du mandat de participation qui lie les différentes parties-prenantes. Ces informations permettent aux citoyens de s’engager en connaissance de cause. Les niveaux renseignent sur qui a la capacité d’initiative et la légitimité à décider. Dans une démocratie représentative, la décision politique est une prérogative des élus du suffrage universel. La participation citoyenne vient enrichir et compléter ce modèle de décision [XXX lien 0.4].

Le plus souvent parler de niveaux de participation comporte au moins deux implicites normatifs. D’abord, on parle de participation citoyenne, quand les processus participatifs peuvent impliquer l’inclusion d’autres parties-prenantes (entités légales ou de fait). Ensuite, on situe l’enjeu de participation par rapport à celui de la décision politique, qui ne constitue qu’un moment d’une politique. Ainsi on pourrait plus largement parler de participation des citoyens dans le cycle des politiques publiques, qui dépasse le seul enjeu de décision.

 

L’essentiel : aperçu des niveaux de participation

Niveau

Description

Information

Mettre à disposition des informations, mais aussi faciliter leur appropriation, pour faire connaître et expliquer des politiques publiques ou un projet en particulier.

Consultation

Recueillir des avis sur un thème ou un projet, pour aider à la prise de décision, avec un retour argumenté sur les raisons de la prise en compte ou non.

Co-construction

Impliquer un large éventail d’acteurs et organiser le dialogue entre parties-prenantes pour les associer à l’élaboration ou la mise en œuvre d’une politique ou d’un projet.

Co-décision

Partager le pouvoir de décision dans l’initiative ou la mise en œuvre d'un projet entre les autorités publiques et les partenaires, dont les citoyens et associations.

Délégation

Organiser une co-gestion et confier à des tiers la responsabilité de la mise en œuvre d’un projet.

Interpellation

Permettre à des citoyens de signaler un besoin ou d’exprimer un désaccord par rapport à une décision ou un projet.

Avantages et défis de chaque niveau

Information

  • Avantage

Les citoyens reçoivent des informations sur des projets ou politiques en cours. Attire l’attention des citoyens sur des sujets ou problèmes.

  • Défis

Aucun espace pour la participation et l’engagement citoyen.

Consultation

  • Avantage

Un large éventail d'opinions peut être recueilli sur une période qui peut être courte ou longue.

  • Défis

Processus de récolte de donnés ou d’opinions individuelles, éventuellement avec des échanges entre les citoyens (entre eux). Peu d’espace pour une interaction avec les autorités publiques.

Co-construction

  • Avantage

Échange intense entre les citoyens entre eux ainsi qu’avec les représentants des autorités publiques. Si suffisamment représentatifs, ces dispositifs peuvent débloquer des impasses en parvenant à un jugement raisonné et contribuer à une meilleure acceptation sociale.

  • Défis

Nécessité de processus, facilitation et de méthodes solides, sinon risque d'échec fort. Coûteux en termes de ressources humaines et financières et de temps. Doit être relié au processus décisionnel formel pour exercer une réelle influence.

Co-décision

  • Avantage

Un espace est donné à la créativité citoyenne. Les citoyens impliqués peuvent exercer une influence sur la réalisation de projets.

  • Défis

Le montage de projet est parfois complexe, peut avoir un effet d’exclusion ou d’élitisme. L'espace accordé à la discussion est variable.

Délégation

  • Avanatage

Les citoyens peuvent eux-mêmes décider des projets et/ou les réaliser. Possible effet positif sur la cohésion sociale.

  • Défis

Possiblement coûteux en termes de ressources financières et de temps. L'espace accordé à l'échange et à la discussion peut varier d’un dispositif à l’autre.

Interpellation

  • Avantage

Mettre en lumière des éléments et des aspects problématiques des politiques dont les décideurs ne sont pas conscients. Cela peut conduire à des corrections et à des mesures socialement plus adaptées.

  • Défis

L’auto-séléction des citoyens est très forte ; risque de polarisation.

Retour sur une échelle historique et ses déclinaisons multiples

En matière de participation citoyenne, il est courant de parler de « niveaux de participation » et de les assembler pour constituer une « échelle de la participation ». Cette habitude est une référence (implicite ou explicite) à un article de Sherry R. Arnstein « A Ladder of Citizen Participation » publié en 1969, dans le Journal of the American Institute of Planners. Cet article a été extrêmement cité et abondamment repris dans les milieux professionnels liés à la participation. L’autrice, consultante sociologue, rappelle dès le début de son texte que cette typologie est « pensée pour être provocatrice » et se concentre sur le partage du pouvoir comme l’élément central de la participation citoyenne.

Cette échelle originale (1, 2) présente huit niveaux. Les premiers niveaux (manipulation, thérapie) relèvent de la non-participation. Le milieu de l’échelle comporte des formes minimales de concession de pouvoir aux citoyens par les décideurs (information, consultation, réassurance), qualifiée de participation alibi (tokenism). Seuls les derniers niveaux (partenariat, délégation et contrôle citoyen) impliquent un partage du pouvoir, et donc une réelle participation.

Dans de multiples réutilisations, cette échelle a souvent été remaniée et diminuée pour parler principalement d’information, consultation et concertation.

L’OCDE parle en 2002 de « citoyens partenaires » et distingue seulement trois niveaux : information, consultation et participation. Cette simplification est utile pour dire que ni la communication, ni la consultation ne sont de la participation, et que celle-ci doit bien être une « relation dans laquelle les citoyens sont véritablement impliqués dans le processus de décision et même dans la gestion de l’organisation ». Elle n’est cependant que moindrement aidante, puisqu’elle agglomère tous les niveaux dans le seul terme « participation » sans vraiment le détailler, et n’adresse donc pas les questions primordiales du partenariat et de l’influence sur la décision.

D’autres réemplois permettent au contraire des réutilisations plus détaillées de l’échelle de la participation citoyenne, l’association internationale pour la participation publique (iap2) propose ce continuum: informer, consulter, impliquer, collaborer, émanciper.

https://cdn.ymaws.com/www.iap2.org/resource/resmgr/pillars/Spectrum_8.5x11_Print.pdf

https://cdn.ymaws.com/www.iap2.org/resource/resmgr/pillars/Spectrum_8.5x11_Print.pdf

Traduction FR

 

INFORMER

CONSULTER

IMPLIQUER

COLLABORER

HABILITER

OBJECTIF DE PARTICIPATION PUBLIQUE

Fournir au public des informations équilibrées et objectives pour l'aider à comprendre le problème, les alternatives, les opportunités et/ou les solutions.

Obtenir l'avis du public sur l'analyse, les alternatives et/ou les décisions.

Collaborer directement avec le public durant tout le processus afin de veiller à ce que ses préoccupations et ses aspirations soient systématiquement comprises et prises en compte.

S'associer au public pour chaque aspect de la décision, y compris l'élaboration des alternatives et l'identification de la solution retenue.

Confier la prise de décision finale au public.

PROMESSE FAITE AU PUBLIC

Nous vous tiendrons informés.

Nous vous tiendrons informés, nous écouterons et tiendrons compte de vos préoccupations et de vos aspirations, et nous vous indiquerons comment la contribution du public a influencé la décision.

Nous collaborerons avec vous pour nous assurer que vos préoccupations et vos aspirations sont directement prises en compte dans les alternatives mises au point et nous vous informerons sur la façon dont l'avis du public a influencé la décision.

Nous vous solliciterons pour des conseils et des innovations dans la formulation de solutions et nous intégrerons vos conseils et recommandations dans les décisions autant que possible.

Nous mettrons vos décisions en œuvre.

En Région bruxelloise : une coexistence d’échelles de la participation

En région bruxelloise, des autorités publiques (administrations communales, régionale et organismes d’intérêt public) proposent différentes façons de classer les démarches de participation. Nous en présentons quelques-unes sans être exhaustifs.

D’abord, plusieurs communes de la région bruxelloise se sont engagées dans une démarche de transparence pour partager leur façon de concevoir et de cadrer une offre de participation.

Parmi elles, la commune d’Ixelles distingue dans sa charte : information, consultation, concertation, co-construction et initiatives citoyennes.

Autre exemple, la Maison de la Participation de la commune d’Anderlecht partage un guide de la participation citoyenne, qui souligne à quel point le bon niveau de participation dépend de l’intention poursuivie. Leur échelle se déploie entre : information, appropriation, consultation, concertation, partenariat, délégation.

Dans un document intitulé, « la participation citoyenne à la ville de Bruxelles. Comment ça marche ? », le service Participation de la ville de Bruxelles propose différents niveaux de participation, appelés niveaux d’intensité, selon l’état du projet et l’engagement possible envers le public : informer ; consulter ; co-construire – concerter ; co-décider. Le plus haut niveau d’intensité cumule pour les participants un pouvoir de contribution, d’élaboration et de codécision. 

Enfin, dans un Vademecum pour « La participation citoyenne dans les Contrats de Quartiers Durables », urban.brussels propose une échelle cumulant : information ; consultation ; co-construction ; co-décision. Ce niveau le plus élevé se caractérise par un « engagement commun à mettre en œuvre », tandis que la consultation « nécessite de dire précisément ce qui est mis en débat et ce qui n’est l’est pas ».

Vers une terminologie partagée en Région de Bruxelles-Capitale

Lors du premier Forum bruxellois de la participation qui s’est tenu à perspective.brussels les 22 et 23 février 2023, l’enjeu d’un « vocabulaire commun » parmi les acteurs et actrices de la participation a été fréquemment rappelé. Plusieurs questions liées à une échelle de la participation ont également été amenées : « Comment ajuster et assumer le niveau de participation et engager les responsables politiques et les personnes en charge de la mise en oeuvre des politiques publiques ? », « Comment choisir le bon niveau et cadrer le processus, trouver le bon moment, le bon sujet ».

En tenant compte de la littérature et des propositions existantes en région de Bruxelles-Capitale, participation.brussels suggère ces niveaux de participation résumés dans le tableau plus haut :

  • Information
  • Consultation
  • Co-construction
  • Interpellation
  • Co-décision
  • Délégation

Les trois premiers niveaux relèvent de la coopération symbolique entre autorités publiques et populations concernées. Les trois derniers niveaux impliquent un pouvoir citoyen effectif, soit parce que ce sont des citoyens et citoyennes qui sont à l’initiative, soit parce qu’une part de la décision ou de la gestion du projet leur revient en responsabilité.

Ces niveaux de participation peuvent être utilement complétés en renversant la perspective, et en regardant pratiquement et concrètement quel degré d’engagement est proposé aux personnes qui participent. Cette distinction est reprise dans l’inventaire des initiatives de participation en région bruxelloise en plus du niveau de participation [XXX lien vers la carte]. 

 

On distingue comme degré d’engagement, la possibilité pour les personnes participantes de : écouter ; exprimer une opinion ; construire un avis collectif ; prendre des décisions ou mener des actions. Cette distinction permet de préciser le niveau de participation en se demandant ce que permet effectivement tel ou tel niveau. Par exemple, l’information descendante ne rend possible que l’action « écouter », la consultation permet « d'exprimer une opinion » mais pas forcément de construire un avis collectif, ce qu'implique clairement la co-construction.

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