Mode d'emploi | Appels à projets et budgets participatifs
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Un budget participatif communal veut dire que la décision concernant l’affectation d’une partie du budget de la commune est confié à ses habitantes et habitants. Originaire du Brésil, cet outil de justice social a été importé et adapté en Europe comme un moyen de renforcer la légitimité et l’efficacité de politiques publiques locales.
Un budget participatif n’a pas forcément l’ampleur d’une discussion d’ensemble sur les orientations budgétaires, c’est même rarement le cas. Dans les faits beaucoup des « budgets participatifs » prennent la forme d’appels à projets, via une plateforme en ligne organisant le vote sur des idées, puis sur des projets sélectionnés et ajustés après vérification de leur faisabilité technique et politique, suivant le respect du périmètre des compétences communales.
A terme, ce mécanisme participatif aboutit à des résultats concrets à travers la réalisation de projets, auxquelles les citoyens peuvent être directement associés. En plus d’améliorer les politiques publiques, le budget participatif peut aussi permettre à des groupes de citoyens de soutenir et mettre en œuvre leur propre projet.
Les livrables d’un budget participatif incluent notamment : un règlement, une plateforme qui reprend une liste des projets soumis et sélectionnés, ainsi que les résultats d’une étude de faisabilité. Après l’organisation d’une délibération et d’un vote sur les projets, un autre livrable devra permettre de communiquer sur les résultats, ainsi que sur les avancées de la mise en œuvre.
Historiquement le budget participatif est un dispositif tourné vers l'inclusion et la transparence. Des mécanismes de répartition peuvent veiller à réserver une part des projets pour les populations les plus défavorisées. Si le budget participatif est exécuté avec succès et s'il laisse suffisamment de marge de manœuvre aux citoyens, il peut soutenir et promouvoir des valeurs démocratiques importants tels que la transparence, le contrôle citoyen et la délibération.
En mettant en discussion des priorités budgétaires pour les politiques publiques, responsables politiques et administratifs peuvent apprendre de la part des citoyens si la répartition des moyens financiers correspond à leurs attentes ou si d'autres priorités sont plutôt à privilégier. Le budget participatif peut aussi éclairer les autorités publiques non seulement sur les besoins des citoyens, mais aussi sur les dysfonctionnements de certaines infrastructures ou services publiques.
Le terme budget participatif est aussi employé pour parler d’une somme d’argent attribuée à un conseil d’habitant ou d’un appel à projet pour attribuer des subsides. Il ne s’agit pas à proprement parler de budgétisation participative, qui vise à une réflexion sur l’usage des finances publiques et cherche l’implication de la population au-delà des seuls porteurs de projet. La fiche « base théorique » rappelle des critères habituellement retenus pour définir un modèle de budget participatif, notamment : le lien à un organe de pouvoir, la réitération sur plusieurs années suivant le cycle budgétaire, l’organisation d’une délibération citoyenne et de l’expression de la population dans le choix final d’allocation budgétaire, avec un mécanisme de suivi de la mise en œuvre.
Les représentants de la commune travaillent en amont à la conception du budget participatif et définissent quelle somme d'argent y sera allouée et quelles étapes le budget participatif va comporter (cf. point 3). Ils peuvent également définir si le budget participatif doit avoir une ou plusieurs priorités thématiques, comme les espaces verts, la mobilité, les écoles ou les affaires sociales, ou si des priorités de répartition en lien avec la politique urbaine, suivant des critères géographiques ou socio-démographiques, doivent être prédéfinies.
En matière budgétaire, il est courant de distinguer le budget d’ investissement et le budget de fonctionnement. Le budget d’investissement couvre les dépenses ponctuelles qui visent à améliorer durablement le patrimoine de la collectivité (par exemple : construction, rénovation, achat de matériel), tandis que le budget de fonctionnement concerne les dépenses récurrentes nécessaires au fonctionnement quotidien (salaires, entretien, abonnements, consommables, etc.)
Dans le cadre du budget participatif, il est souvent fait le choix de n’inclure que les dépenses d’investissement. Ce choix permet aux projets retenus de ne pas peser sur le budget de la commune au-delà d’un cycle budgétaire. Toutefois, cela limite les types de projets pouvant être proposés et réalisés. Concrètement, un projet qui impliquerait pour la commune une embauche salariée ou la maintenance d’un équipement ne pourra pas être sélectionné, car ces dépenses appartiennent au budget de fonctionnement. Ainsi, une aire de jeux ou un jardin partagé peuvent être financés via le budget d’investissement (construction aménagement), mais pas l’engagement d’un animateur ou le coût d’arrosage et de l’entretien régulier.
Lors de cette phase de conception du budget participatif, il est donc particulièrement important de réfléchir les objectifs du projet et de décrire la structure de gouvernance du projet, afin de garantir le soutien des élues et des autres services.
Des ressources, du temps et un budget suffisant doivent être investis. Un calendrier et un plan des tâches, qui définit le projet et les étapes importantes, peuvent aider à organiser le budget participatif. Le calendrier doit également prendre en compte le calendrier du conseil communal et du vote du budget de la commune.
Lors de la planification du budget, il ne faut pas seulement tenir compte de la somme sur laquelle les citoyens se prononcent, mais aussi, par exemple, de l’ensemble des frais engendrés pour l’organisation et la communication.
Lors de cette phase, il est également important de mettre en place des mécanismes de communication et de suivi interne. Vu que les projets du budget participatif sont souvent mis en œuvre par d’autres services de la commune, il est primordial que ces services sont au courant du projet et du niveau d’implication attendu de leur part.
Un budget participatif peut prendre différentes formes. Lorsqu’il combine plusieurs modalités de participation et d’implication des citoyens, tant en ligne qu’en présentiel, on parle d’un budget participatif hybride. Ce type de démarche cherche à combiner les avantages du numérique (accessibilité, réactivité), tout en conservant la richesse des échanges en face à face (délibération, co-construction). Il associe également différents méthodes : appels à idées, votes populaires, ateliers collaboratifs, implication des services communaux, etc.
Voici quelques étapes possibles pour la mise en œuvre d’ un tel budget participatif hybride :
Ces étapes constituent des repères pour tracer la route de votre budget participatif, elles peuvent prendre des formes différentes suivant vos moyens et vos ambitions.
Le règlement du budget participatif doit être clairement défini avant le départ. Il comprend notamment un calendrier précis, ainsi que des éléments sur les ressources, les méthodes et les procédures. Un point est incontournable sur le plan légal : l’association du conseil communal. En effet, selon la loi communale en Belgique, le pouvoir décisionnel revient uniquement au Conseil communal et au Collège des Bourgmestre et Echevins. Le niveau de pouvoir accordé aux citoyens ne peut donc pas être formellement directement décisionnel.
A défaut de pouvoir contraignant du vote des citoyens, les représentants politiques de la majorité devraient donc s’engager à suivre les résultats issus du vote de priorisation du budget participatif. En dehors d’un tel engagement, cela signifie que les résultats pourraient à nouveau être évalués et reclassés par ordre de priorité, ce qui constitue une sécurité pour les responsables communaux, mais délégitime la confiance dans le processus participatif.
Au vu de son impact transversal sur les différents services d’une administration, notamment les services techniques, il est important d’anticiper la répartition des tâches dans la mise en œuvre. En effet, le succès à long terme d’un budget participatif dépend de l’implication de l'administration dans l’élaboration, la réalisation et le suivi des projets. Il faut également tenir compte du fait que le budget participatif représente souvent une tâche supplémentaire pour le personnel administratif, dont il faut tenir compte dans son temps de travail
Idéalement, un responsable du budget participatif devrait être désigné au sein de l'administration pour s'occuper de l’organisation et du suivi et faire office d'interlocuteur principal pour l’ensemble des agents et des porteurs de projet.
Une bonne façon de faire connaître le budget participatif et de mobiliser est d'impliquer en amont les citoyens actifs qui peuvent aider à identifier les sujets qui intéressent et savoir comment atteindre et mobiliser au mieux une partie des citoyens.
Des actions de terrain, une collaboration avec la société civile ou encore des écoles, l'annonce des dates dans la presse locale et sur Internet peuvent augmenter le nombre et la diversité des participants.
La première étape de réalisation du projet de budget participatif est bien évidemment l’organisation d’une campagne de communication pour que les citoyens et associations sont au courant du projet et puisse y contribuer, dès la phase d’appel à idées.
Pour qu'un budget participatif contribue pleinement à l’éducation civique, il est important d'informer les citoyens également sur la constitution d’un budget et les politiques communales. Les citoyens devraient être informés de la provenance de l'argent de la commune, de la manière dont elle le dépense et des priorités dans la répartition et l’usage du budget.
En outre, la situation financière globale devrait être présentée et les possibilités d'action indiquées. S'il existe des objectifs stratégiques ou des visions à long terme, ils doivent également être partagés et expliqués dans un langage accessible.
Informer les citoyens sur le budget peut être abordé de différentes manières : une brochure, un site internet dédié, des moments d'information, des visites sur site ou des ateliers approfondis.
Des initiatives inspirantes existent, par exemple : “Je Gemeente Telt” en Flandre.
Dans de nombreux cas, des associations et des groupes organisés pourront facilement proposer des projets. Ils devront alors expliquer dans quelle mesure ils rentrent dans les critères de l’appel à projet et servent un intérêt collectif.
A l’inverse, il est souvent plus difficile pour des citoyens individuels de concevoir et soumettre des projets à partir de leurs éventuelles idées. Ici, il est possible d’imaginer différentes aides. Par exemple des « ateliers » peuvent aider à passer d’une idée individuelle à un projet collectif dès la phase de dépôt. Il est aussi possible de recueillir des idées et de les prioriser pour inspirer des propositions nouvelles lors de la phase d’étude de faisabilité ou de co-construction des projets.
Quel que soit la procédure retenue, l’important est d’agir en transparence pour permettre de comprendre la traçabilité entre telle idée sélectionnée et tel projet soumis au vote. Toutes les propositions doivent pouvoir être consultés publiquement. Sur certaines plateformes, les citoyens peuvent également poser des questions ou faire des commentaires sur les projets, ce qui peut permettre de les améliorer.
Les projets soumis sont examinés par la commune afin de s'assurer qu'ils sont acceptables et faisables (réalisables). Cette phase demande une étroite collaboration entre les différents services. Pour répondre à la question d’acceptabilité, l’organisateur se pose la questions si le projet relève-t-il de la compétence de la commune. Pour vérifier la faisabilité, les services techniques sont impliqués et répondent uniquement aux questions suivantes : Le projet est-il techniquement faisable ? Le projet est-il réalisable dans la limite de l’enveloppe du budget participatif ?
Dans certains cas, l’administration donne des suggestions pour améliorer les projets ou elle suggère que des projets similaires puissent être regroupés et les porteurs de projet pourraient travailler ensemble. Les décisions concernant les idées jugées irréalisables sont justifiées et rendues publiques.
Une fois l’étude de faisabilité réalisée, il est possible d’ouvrir la sélection des projets soumis au vote à la délibération citoyenne. Il existe différents formes de rencontre citoyenne dans le cadre d’un budget participatif. Les formats les plus exigeants sont ceux qui permettent aux citoyens non seulement de présenter leurs projets et de poser des questions sur les projets des autres, mais aussi de procéder à une délibération afin d’orienter la sélection finale. Ces échanges entre porteurs de projets et services administratifs ont lieu dans le cadre d’une série de réunions spécialement convoquées par la commune. Il est également possible d’ouvrir cette discussion à la population générale, par exemple lors d’un forum visant à présenter les différents projets validés par l’étude de faisabilité ou sélectionnés pour le vote.
Dans la majorité des processus, les projets proposés par les citoyens sont soumis au vote de l'ensemble de la population concernée. Dans la plupart des cas, le vote se fait en ligne, mais il est souvent possible de déposer un bulletin papier dans un lieu dédié ou via des stands mobiles. Dans certains cas, des moments évènementiels sont organisés pour lancer cette phase de vote et fêter le travail de transformation d’idée en projet. Le vote est le plus souvent étalée sur une période d’une ou plusieurs semaines, avec parfois des moments plus limités pour le vote physique pour des questions pratiques.
Tous les citoyens devraient être informés des projets adoptés dans le cadre du budget participatif. La publication des résultats peut se faire non seulement sur le site Internet, mais aussi dans le journal communal. Le site web du budget participatif peut être utilisé pour rendre compte des résultats et en assurer le suivi, en indiquant le stade de traitement des projets acceptés et en décrivant les mesures de suivi prises.
Les propositions sélectionnées sont financées et mises en œuvre par la municipalité. La mise en œuvre des projets passe par la commune seule ou le porteur de projet conjointement avec la commune. Même si c’est à la commune de réaliser le projet, il est toujours intéressant de consulter les citoyens qui ont déposé l’idée au sein de cette phase de réalisation, afin de garantir que le projet répond aux attentes et aux besoins de la population. A ce stade, il devient également intéressant de prévoir des projets pilotes pour tester l’usage avant un aménagement définitif.
Il est clair que c’est ouverture à l’échange avec des citoyens à ce stade du projet, n’est pas à sous-estimer. En effet, cela induit plutôt une nouvelle dynamique d’interaction entre les habitants et l’administration, et même une autre façon de travailler pour les agents publics, vu qu’on passe à la co-construction de la politique avec un lien élu-agent-habitant qui est différent que d’habitude.
Un projet peut également se faire par le porteur de projet seul, qui ne sera aidé par la commune que si nécessaire. Lorsque le budget participatif permet une mise en œuvre par des associations ou des collectifs de citoyens, souvent, il s’agit de montants bien inférieurs à ceux des projets à mettre en œuvre par la ville.
Deux points de vigilance peuvent être partagés quant à la réalisation des projets. Lorsque la commune met seule en œuvre, il faut faire attention à ce que le budget participatif ne vienne pas compenser ce qui devrait constituer l’ordinaire du service public communal. Lorsque des porteurs de projet mettent seuls en œuvre, il faut faire attention à ne pas réduire le budget participatif à un outil de subvention de la vie associative locale.
Un suivi devrait avoir lieu après la mise en œuvre afin de vérifier si la réalisation des projets correspond aux attentes. Il est aussi important de valoriser l’impact du budget participatif sur le temps. Il est fréquent que des communes ajoutent des plaques signalant « réalisé grâce au budget participatif » pour marquer le paysage local.
Enfin, il faut aussi penser à évaluer le processus du budget participatif et ses possibles adaptations, car il est important pour un budget participatif de pouvoir s’inscrire dans le long terme et d’être régulièrement réitéré.