Votations populaires en Suisse et panels délibératifs (Demoscan)

Cas pratique | Le référendum, la votation et la consultation populaire

Niveau de participation
Consultation | Interpellation

Méthodes de participation
Référendum et pétition

Valeurs démocratiques
Capacité d’influence sur la décision politique | Délibération | Capacité d’initiative citoyenne

Contexte

En Suisse, le référendum est une procédure démocratique, instaurée depuis 1874, qui permet aux citoyens de voter directement sur des questions politiques. Le système suisse de référendum fonctionne à plusieurs niveaux de gouvernance : fédéral, cantonal (26 cantons au total) et communal.

On distingue ainsi deux types de référendums en Suisse. Les référendums qui portent sur des décisions déjà approuvées par le Parlement, et qui peuvent être obligatoires (c’est-à-dire prévus par la constitution) ou facultatifs (c’est-à-dire demandé par un nombre requis de citoyens ou de cantons).

En plus de ces référendums, l'initiative populaire est un mécanisme supplémentaire de démocratie directe aux niveaux fédéral, cantonal et communal. Au niveau fédéral, l'initiative populaire autorise la population à suggérer une révision partielle ou complète de la Constitution, sous réserve de recueillir 100.000 signatures de citoyens ayant le droit de vote dans un délai de 18 mois. Si les conditions requises sont satisfaites, la proposition est ensuite soumise au peuple via une votation populaire.

Autrement dit : le référendum (obligatoire ou facultatif) est un type de votation populaire, l’initiative populaire en est un autre. Ces votations populaires constituent les principaux mécanismes de démocratie directe en Suisse.

Le projet de recherche Demoscan est une expérimentation qui vise à améliorer l’information fournie aux votants sur les objets soumis à votation populaire (référendums obligatoires et facultatifs, initiatives populaires), en s’appuyant en amont sur un panel de citoyens tirés au sort. Il s’agit donc d’une innovation démocratique visant à complémenter la démocratie directe avec un processus de démocratie délibérative.

Objectif

En Suisse, les lois sont élaborées et rédigées par le Parlement, et la plupart d'entre elles entrent en vigueur sans qu'un référendum soit nécessaire. Cependant, le peuple est parfois invité à se prononcer par un vote sur une nouvelle loi ou sur une modification d'une loi existante. Ce processus est appelé référendum. Le référendum obligatoire implique un vote du peuple et des cantons, nécessitant ainsi une double majorité pour son adoption, contrairement à un référendum facultatif, qui exige seulement la majorité du vote des citoyens pour être accepté. Les résultats sont dans tous les cas contraignants, et non pas simplement consultatifs. Ainsi, la décision du vote doit être mise en œuvre par la politique et l’administration. Les votations populaires ont donc le pouvoir de bloquer des décisions ou de proposer de nouvelles dispositions.

La plupart des lois ne sont pas soumises à un référendum facultatif, le peuple n'est invité à voter que si un nombre de citoyens s'opposent à une nouvelle loi ou à un amendement et présentent une demande de référendum. Depuis 1874, environ 200 demandes de référendum facultatif ont abouti.

Un référendum est obligatoire pour certaines décisions, notamment l’adhésion à des organisations supranationales ou des modifications de la constitution. Contrairement au référendum facultatif, il n'est pas nécessaire dans ces cas de récolter des signatures pour que le vote ait lieu. Ce cas se présente par exemple lorsque le Parlement souhaite modifier la constitution. Les modifications doivent être acceptées par la majorité du peuple et des cantons. Il existe également des référendums obligatoires au niveau cantonal et communal.

Source : L'Assemblée fédérale — Le Parlement suisse : formes de référendums

Mobilisation

Tout citoyen suisse ayant le droit de vote a le droit de participer en votant par correspondance ou en se rendant aux urnes le jour du scrutin.

Pour un référendum facultatif, un groupe de citoyens doit récolter au moins 50.000 signatures dans un délais de 100 jours pour demander un référendum sur une nouvelle loi. Le projet de loi n’entrera en vigueur que s’il est accepté par la majorité des votants.

Au niveau cantonal, chaque canton a ses propres dispositions concernant le référendum. De manière similaire au niveau fédéral, les référendums cantonaux peuvent être initiés par les citoyens ou être obligatoires.

Le référendum facultatif peut être lancé sur demande d’un nombre de personnes prédéterminés (par exemple, Canton de Vaud: 12.'000) ou d’un pourcentage du corps électoral (par exemple, Canton de Genève: 2%). Les citoyens du canton concerné ont le droit de voter lors des votations populaires, référendums obligatoires, référendums facultatifs et initiatives populaires.

Enfin, au niveau communal, les votations populaires sont souvent utilisées pour décider sur des questions locales, telles que des projets de développement, des budgets municipaux ou des décisions sur des services publics. La manière dont elles sont organisées au niveau local peut varier d'une municipalité à l'autre et dépend des lois et réglementations locales. Les citoyens de la commune concernée ont le droit de participer aux référendums communaux, et les sujets mis au vote sont généralement décidés par les autorités locales ou peuvent être proposés par des groupes de citoyens via le référendum facultatif.

On constate une participation variable de l'électorat lors des référendums. Par exemple, lors des quatre votations populaires de 2018, le taux de participation a oscillé entre 54,8 % et 34,4 %. Toutefois, en Suisse, il n'y a pas de taux de participation minimum ni d'obligation de voter, de sorte que même les décisions avec une faible participation sont adoptées.

Zoom sur le projet Demoscan

Demoscan est un projet de recherche appliquée, qui vise à rendre les votations populaires plus délibératives, en ajoutant la perspective délibérée d'un groupe de citoyens tirés au sort dans le matériel de votation. Ce projet s’inspire directement de la procédure Citizen's Initiative Review (CIR), réalisée pour la première fois en 2008 dans l’Etat de l'Oregon aux États-Unis. En Suisse, elle est expérimentée depuis 2019 dans divers contextes à l'échelle communale et cantonale, sur des votations populaires cantonales ou fédérales. En bref, un groupe d'une vingtaine de citoyens tirés au sort analyse pendant quatre jours l'objet d'une votation populaire (référendum ou initiative) à venir. Ils recueillent des informations, auditionnent des experts, écoutent les arguments des deux camps et délibèrent entre eux. Le groupe rédige un rapport contenant : les principales informations importantes et vérifiées sur l'objet de votation, les principaux arguments pour et contre la question, mais ne donne pas de recommandation de vote. Ce rapport est distribué à toutes les personnes disposant du droit de vote, en plus des documents de vote officiels, afin d'aider les autres citoyens à se prononcer sur la votation en question. Etant donné que les objets soumis à votation sont souvent complexes, la perspective délibérée des citoyens tirés au sort offre une information simplifiée aux votants.

Comme le résume le politologue Nenad Stojanovic, le pari du projet est « qu’une frange de la population est intéressée à avoir l’avis de citoyens ordinaires avant de voter » (source). Le projet Demoscan n’a cependant pas pour objectif ou ambition d’agir sur le taux de mobilisation, mais avant tout d’aider à formuler des choix plus avisés.

Apprentissages

Les premiers résultats des quatre expériences Demoscan menées à ce jour sont prometteurs en termes d'information et de formation de l'opinion publique. D'une part, le rapport citoyen élaboré par le panel Demoscan est largement pris en compte par les votants. Dans le cas du Demoscan à Sion en 2019, près de la moitié des votants l'ayant reçu le considère, alors qu'environ 55% des votants citent la brochure de vote officielle. Ainsi, le rapport citoyen se place en deuxième position des sources d'information considérées, devant les médias, les partis politiques et les groupes référendaires. De plus, parmi les votants considérant le rapport Demoscan, une large majorité le trouve informatif et utile, et près de la moitié y ont découvert de nouvelles informations et lui font confiance. Le rapport Demoscan contribue donc à augmenter la compréhension du sujet et des enjeux de la votation populaire. D'autre part, étant exempt du positionnement stratégique des partis, le rapport Demoscan contribue à diminuer l'influence de l'idéologie partisane, en impulsant une ouverture à d'autres perspectives sur l'objet soumis à la votation (Heimann et al. 2024). Ce résultat est particulièrement prometteur au vu de l'augmentation de la polarisation de certains enjeux politiques. En ce sens, le rapport Demoscan contribue à une formation délibérée de l'opinion publique, selon le mérite des arguments en faveur ou contre un objet de votation. Ainsi, le dispositif Demoscan complémente les instruments de démocratie directe avec une délibération de qualité, rendant le système démocratique suisse plus délibératif.

 

Pour aller plus loin