Débat public CNDP : projet NEO, Île de la Réunion

Contexte

Le débat public est un dispositif de la démocratie participative en France. Il est mis en œuvre par la Commission nationale du débat public (CNDP). La CNDP a été créée en 1995, après de vifs débats sur l'environnement, notamment autour de la ligne ferroviaire « TGV Méditerranée ». Jusqu’à ce jour, elle était obligatoirement consultée par les maîtres d'ouvrage des grands projets ou, facultativement, par le gouvernement sur les politiques d’aménagement territorial ou d'environnement, afin d’en discuter la pertinence avec le public. L’idée est d’impliquer le public le plus tôt possible dans le débat sur les objectifs et les principales caractéristiques des projets, à un moment où il est encore possible de les réviser de manière substantielle en amont de l’enquête publique.

Le projet Nouvelle Entrée Ouest de Saint-Denis (NEO) est situé sur le Barachois, le front de mer de Saint-Denis de la Réunion dans l’océan Indien, lieu emblématique marqué par l’histoire et la culture de l'île. Le projet NEO propose de réaménager une large bande côtière de 5 à 16 hectares avec des équipements de loisirs, des espaces sportifs, une piscine naturelle, des bars et restaurants et des esplanades ainsi que de requalifier la route nationale selon cinq solutions différentes proposées au public.

Objectif

Le débat public local sur le projet NEO, qui s’est déroulé du 15 septembre au 31 décembre 2020, avait pour objectif de connaître l’attitude du public non seulement à l’égard des cinq solutions différentes pour la construction de la route, mais aussi à l'égard des alternatives possibles au projet et de ses impacts sur l’environnement.

Mobilisation et recrutement

La particularité de ce débat public est d’avoir mis en place une conférence de citoyens préalable au débat public afin de définir comment le sujet doit être abordé, quels doivent être les principaux thèmes et controverses à traiter en priorité et quels sont les publics les plus concernés. La délibération est donc mobilisée en amont du débat public, afin de contribuer au cadrage de celui-ci.

Les soixante participants de la conférence citoyenne ont également décidé des canaux de mobilisation et de communication à utiliser pour le débat. Ainsi, ils ont développé l’idée de mobiliser la population grâce à l’organisation de pique-niques locaux (appelés « Neo an kamarad »). Ils se sont inspiré des coutumes locales de rassemblement du dimanche ainsi que de la sociabilité des pique-niques de l’île de la Réunion. L’objectif était d’utiliser les échanges de la vie quotidienne pour participer et impliquer son entourage au débat en répondant aux questions sur le projet NEO par voie électronique.

Ces contributions ont été analysées et restituées dans le compte rendu final du débat. Les participants à la conférence des citoyens ont également décidé de créer des « ambassadeurs du débat » afin de veiller à ce que toutes les personnes de leur environnement immédiat connaissent le débat et sachent comment y participer. Laisser les citoyens co-construire les modalités du débat était un moyen de renforcer sa légitimité et son acceptation, mais également d’adopter les modalités du débat public au contexte local.

Format de participation

La « Maison du débat » était un lieu de débat privilégié sur le Barachois, ouvert au public l’après-midi pour permettre aux citoyens d'accéder à une information sur le projet et de participer au débat. Des maquettes et une table de réalité virtuelle permettaient aux visiteurs de visualiser les différents tracés étudiés, mais aussi de concevoir eux-mêmes les espaces futurs et de mieux comprendre les enjeux liés à l’aménagement de l’espace urbain.

En plus, trois ateliers thématiques participatifs portaient sur les thèmes identifiés par la conférence de citoyens : le réaménagement, l’espace public et la mobilité. L’idée était de croiser les regards de différents acteurs de la démocratie sociale et environnementale (associations environnementales, représentants des personnes en situation de handicap, professionnels, représentants des institutions, transporteurs, etc.) et d’experts sur les sujets traités.

Résultats et suites

A l’issue de la procédure, la CNDP a analysé l’ensemble des arguments exprimés par le public au cours du débat. Le résultat a révélé un profond fossé entre la principale préoccupation du public, qui souhaite trouver une solution à la congestion du trafic, aux problèmes généraux de mobilité et au manque de transports publics, et les maîtres d'ouvrage, dont la préoccupation est de créer un lieu économiquement et touristiquement attractif en bord de mer. Après que la CNDP ait demandé aux maîtres d’ouvrage de répondre aux interrogations et critiques du public et que ceux-ci n’aient pu y répondre de manière suffisante et satisfaisante, le projet NEO est aujourd'hui suspendu jusqu'à nouvel ordre. Suite à la demande du public d’organiser une consultation publique sur les transports publics à l'échelle de l'île, la CNDP a recommandé la mise en place des États généraux des mobilités qui se sont effectivement déroulés de mai à décembre 2023.

Apprentissages

Au total, 8.000 personnes ont participé activement au débat, que ce soit par le biais d’une contribution écrite ou en ligne, la participation à un événement public ou d’une visite à la maison du débat. Selon la CNDP, le débat a atteint l’un des taux de participation les plus élevés pour un débat local. L’organisation de la conférence des citoyens avant le débat public semble s’être avérée un moyen efficace d’accroître la visibilité du débat et de le rendre plus pertinent pour le contexte local. La possibilité de soumettre des commentaires écrits dans le « cahier d'acteurs » a permis de mener un large dialogue sur la mobilité et d’inclure activement des acteurs de la société civile, des parties prenantes ou des partis politiques au débat. De plus, le débat a bénéficié d’une visibilité relativement importante grâce à ses partenariats avec les médias locaux, notamment la radio RTL Réunion et la chaîne de télévision publique Réunion La 1ère, ce qui a contribué à une grande transparence.

En raison de la pandémie de Covid-19, certaines formes orales de débat ont dû être annulées. Par conséquent, une grande importance a été accordée aux questionnaires écrits, ce qui présente un inconvénient évident en termes d’inclusion des personnes moins éduquées, étrangères ou jeunes.