Comment bien cadrer les processus participatifs : retour sur les ateliers

Le deuxième module des ateliers de la participation portait sur le cadrage des processus participatifs. Une visite exploratoire à Eupen nous a permis d’identifier des bonnes pratiques issues du terrain pour en déduire quelques ingrédients clés d’un bon cadrage. Ensuite, une session de réflexion avec Agathe Osinski, chercheuse qui étudie et accompagne des processus en vue de « prendre soin » de la participation, a approfondi le sujet. Enfin, une session de présentation de cas pratiques nous a permis de mettre en perspective les éléments clés d’un bon cadrage, leur mise en pratique et les réalités du terrain. 

Enseignements de la visite exploratoire à Eupen

Nous avons découvert le modèle Ostbelgien, ou «  Le dialogue citoyen permanent », au sein du Parlement de la Communauté Germanophone. Celui-ci repose sur plusieurs éléments clés d’un bon cadrage: 

• une impulsion politique forte qui va au-delà des partis politiques ; 

• un cadre législatif clair et défini par un décret précisant les modalités et le mandat du processus ; 

• un cadre méthodologique bien défini : 
  • 30 citoyens et citoyennes tirés au sort qui composent le Bürgerversammlung (l’Assemblée citoyenne), en charge de formuler des recommandations ;
  • 24 citoyens et citoyennes issus de cette assemblée composent l’organe permanent : le bürgerrat (Conseil citoyen) responsable du choix des sujets, de l’organisation de l’Assemblée citoyenne, du suivi des recommandations et de l’évaluation du processus.  

• un niveau de participation assumé, c’est-à-dire : 
  • une délégation de pouvoir au Conseil citoyen (le bürgerrat); 
  • une co-construction pour l’Assemblée citoyenne via la formulation de recommandations avec obligation de suivi. 

• un suivi des recommandations :  
  • présentation des recommandations ; 
  • temps de réaction politique ; 
  • réalisation d’un rapport sur la mise en œuvre par les politiques. 

Ingrédients clés du dialogue citoyen permanent 

Selon la représentante du Secrétariat permanent, trois piliers assurent le succès du modèle : 

1. L’institutionnalisation et la constance de la participation (organe permanent, soutien de la part du secrétariat permanent du parlement, le décret et le budget). 
2. La représentativité des participants grâce au tirage au sort.  
3. La qualité du dialogue via des informations claires envers le public, la délibération, la modération, la transparence, l’échange constructif avec les politiques et la sécurisation des résultats. 

Facteurs de succès de « Ostbelgien 2040 » 

Nous nous sommes ensuite rendus au Ministère de la Communauté Germanophone pour en savoir plus sur le processus participatif du projet de développement régional « Vivre Ostbelgien 2040 ». Celui-ci repose sur cinq facteurs de succès : 

1. La gouvernance : un coordinateur au rôle crucial d’accompagnement des autres services et qui crée des synergies entre le développement communal et supra-communal.
2. Une identité forte autour du projet et des partenariats créés avec des entreprises, des associations, des institutions publiques.
3. De multiples opportunités et espaces pour participer en s’appuyant sur différentes méthodes et dispositifs (des outils numériques à l’approche de terrain). 
4. La continuité et la coopération, en développant une stratégie long terme en différentes phases de mise en œuvre et en adoptant une approche interdisciplinaire.
5. L’intégration de la durabilité et de l’innovation

Pistes de réflexion sur le cadrage d'un processus participatif

Les bases d’un bon cadrage 

Lors de la session de réflexion, Agathe Osinski, chercheuse à l’Université Paris-Nanterre, a rappelé les fondamentaux d’un bon cadrage de la participation :  

• La définition des objectifs, de la stratégie et de la gouvernance d’un processus participatif ; 
• Les choix méthodologiques à faire selon les objectifs ; 
• La rédaction d’un mandat clair pour les participants ; 
• L’anticipation du suivi ; 
• La définition des responsabilités des parties prenantes ; 
• La transparence envers les citoyens ; 
• Le rôle de soutien des facilitateurs ; 
• La diminution des rapports de force entre participants. 

Elle a souligné également que « l’empowerment » et l’apprentissage social sont des effets importants de la participation. 

6 questions clés de la participation 

La fiche thématique Cadrage, présentée par le Service de la Participation, résume 6 questions clés pour cadrer la participation :  

1. Pourquoi souhaitez-vous faire de la participation ?
2. Quelles sont vos ambitions participatives ?
3. Quelles sont vos marges de manœuvre ?
4. Quelles sont vos ressources financières ?
5. De quel temps disposez-vous ?
6. Quelles sont les responsabilités des parties prenantes ?

Ces questions peuvent guider les agents et agentes de la participation à accompagner des services techniques dans le développement d’une culture interne de la participation. 

Cas et conseils pratiques

Participation des publics en situation de pauvreté 

Avec François Demonty du Service de Lutte contre la Pauvreté et l’Exclusion Sociale, nous avons exploré la question suivante : quel cadre de participation est nécessaire pour corriger une participation inégale des publics en situation de pauvreté ?  

Voici quelques éléments de réponse, tirés de leur pratique de création de rapports biannuels sur des thématiques spécifiques : 

• Des associations représentant des personnes en situation de précarité sont impliquées dès la préparation des rencontres, avec l’appui du Service de lutte contre la pauvreté. 
• Un processus participatif continu est mené pendant deux ans, jusqu’à la publication du rapport. 
• Le thème est discuté et développé dans le processus de consultation ; sur base des échanges, les textes des chapitres du rapport évoluent en cours de route. 
• Une diversité d’acteurs est consultée : des personnes en situation de pauvreté, des associations et réseaux, des administrations, des institutions, des syndicats, des mutuelles, des universitaires, ... 
• Un retour est donné sur le suivi du rapport et l'impact des recommandations. 

Cette démarche montre l’importance d’une approche inclusive et évolutive pour garantir une participation équitable des publics les plus vulnérables. 

Créer le cadre d’un projet d’aménagement urbain d’envergure 

Julie Bérard de 21 Solutions et Arnaud Pinxteren, ex-échevin de la participation de la Ville de Bruxelles, ont présenté le panel citoyen du projet de tram à Neder-Over-Heembeek.  Nous avons abordé les cadres politique, technique et méthodologique d’un grand projet d’aménagement urbain. L’alignement entre ces différentes facettes du cadrage a permis de rendre la participation effective, malgré des délais serrés.  

Quels enseignements tirer de ce cas pratique ? 

• Le panel citoyen a apporté une expertise d’usage cruciale au sein du comité de pilotage. Cette contribution a été très appréciée par les experts techniques. 
• Un contact direct avec les habitants et commerçants du quartier, ainsi qu’un accompagnement étroit, se sont révélés essentiels (ceci nécessite bien évidemment du temps et de l’énergie) 
• Une diversification des outils d’information a été indispensable : plateforme numérique, vélo-cargo « le Babbeleir », lunettes de réalité virtuelle, des visites de terrain,…  

Et la suite ?

A travers ces exemples et réflexions, les participants et participantes ont eu l’opportunité d’identifier plusieurs points d’attention à intégrer dans leurs propres pratiques : 

• L’importance d’un mandat clair, communiqué à toutes les parties prenantes.  

• La nécessité d’être transparent sur les objectifs, les attentes et les limites du processus participatif.  

• Chacun et chacune a un rôle à jouer dans le processus, ce qui implique une définition précise des rôles et responsabilités, une communication ouverte et un accompagnement adapté. 

• Il est crucial d’adopter une démarche sur le long terme et de lever les obstacles à la participation afin de garantir une large représentativité des points de vue. 

• Il n’existe pas de formule magique en matière de cadrage. Au contraire, chaque processus doit être adapté à son contexte et à ses objectifs, ce qui requiert à la fois souplesse et capacité à gérer les imprévus de la part des agents et agentes publics. 

• C’est la création des liens humains et de la confiance qui est centrale dans la participation citoyenne. Un climat d’échange ouvert entre citoyens et acteurs publics, ainsi qu’un dialogue réciproque, sont des éléments clés. 

• Tester, suivre et évaluer sont des étapes clés pour assurer le succès d’un projet et construire une relation de confiance entre administrations et citoyens. 

Rendez-vous au prochain module des ateliers sur la mobilisation afin de voir si ces éléments de cadrage – ou leur absence – influencent la mobilisation des citoyens. 

Pour aller plus loin :

• The spectrum of community engagement to ownership (EN)
• Democracy Next, Assembly Guide (EN)
• Ministère chargé du renouveau démocratique, porte-parolat du gouvernement, Guide du centre interministériel de la participation citoyenne (FR)
• UVCW, Démocratie Participative, recueil des fiches-outils pour les décideurs locaux 
• Periferia, Mettre en place et transmettre des démarches de participation (FR)
• VVSG, Randvoorwaarden voor geslaagde beleidsparticipatie (NL)
• Commune d’Anderlecht, Guide de la participation citoyenne (FR)
• Lisode, Guide de la concertation territoriale et de faciliation (FR)
• Urban Brussels, la participation citoyenne dans les Contrats de quartiers durables (FR)
• Urban Species, Ma/Pa La machine à générer des processus participatifs (FR)
• Ville de Lausanne, Le guide participatif (FR)
• Avansa Kempen, Burgers betrekken. Succesvol aan de slag met participatie. (NL)
• 21solutions, Le Livre blanc de la participation citoyenne (FR)